ELLE

Elle entre dans la pièce, suivie de toute la beauté qui l’accompagne chaque instant. Je fonds. Littéralement, je fonds. Je sens mon cœur fondre, se fendre, s’écarteler jusque dans mon estomac, s’étirer jusque dans les méandres de mon bas ventre, remonter jusque dans mes poumons pour les en priver d’air, me couper le souffle. Elle me coupe le souffle, voilà ce qu’elle fait, elle et sa beauté. Elle ne doit pas savoir, non, elle ne doit pas savoir. Elle n’est pas libre, je dois me taire. C’est si dur ! Pourquoi suis-je donc toujours celui qui tombera en amour des mojos ? Pourquoi toutes mes histoires doivent-elles toujours être aussi compliquées ? Pourquoi mes sentiments ne peuvent-ils pas simplement arrêter de s’emballer ? Pourquoi ne cessent-ils pas de vouloir jouer dans une comédie romantique ? De la torture, voilà ce que c’est. 
 
L’air coupé qui tente de remonter à la surface avec ces quelques mots reste bloqué. Il ne franchira jamais les barrières de ma langue, ces quelques mots ne feront jamais vibrer ses tympans. “Tu es magnifique, éblouissante, et je ne peux trouver de mots suffisamment représentatifs de toute la beauté que tu fais parvenir à mes yeux." Si seulement… Mes lèvres veulent mourir sur les tiennes. Je veux mourir sur tes lèvres.
 
Tu sais, je ne comprends pas cette attirance que j’éprouve. Du moins, je ne comprends pas l’intensité qui s’en dégage, je ne comprends pas ces sentiments que tu fais naître au plus profond de mon être. Putain que j’aimerais le crier ! Je veux le chanter sur les toits, l’ancrer sur les terres, le peindre sur les toiles désertiques. Je veux hurler ces sentiments qui m’animent, cette genèse de sentiments. Je veux… je te veux toi, simplement.
 
Je ne pensais pas tomber pour toi, pourtant il ne m'aura pas fallu longtemps pour qu'il soit déjà trop tard. À présent chaque regard posé sur toi est comme une douce torture qui fait palpiter mon cœur un peu plus à chaque fois. Ainsi je peux sentir le désir doucement monter, puis m'étreindre comme il n'est pas permis. Ton dos dénudé, tes longs cheveux sauvages. Ce n'est pas permis. Alors je me demande : qu'en est-il de mon paraître ? Peut-on lire la scène que je m'imagine sans le moindre trouble, ou bien faut-il plonger au fin fond de mes iris bleus pour en percevoir les bribes ? Car pour moi il ne fait de doute cette clarté qui apparaît lorsque je te regarde. Je m'efforce tellement de ne rien laisser paraître que cela requiert un effort considérable de ma part, pour ne pas briser notre semblant de relation naissante, pour ne pas courir te prendre dans mes bras, ne pas t'embrasser.
 
L'attraction est telle qu'il ne fait de doute, que sous un verre d'alcool ou deux, mes barrières tomberaient en ruines avec mon contrôle. Alors je te regarderais, du plus profond de mon être, et tu pourrais lire le désir dans mes yeux, l'amour naissant que je te porte, toute la tendresse que j'éprouve pour toi. Je te regarderais à n'en plus finir, nos yeux ne se quitteraient plus, tu pourrais me voir t'embrasser au travers de mon regard, tu pourrais voir tout ce que je m'efforce de ne pas faire. Tu pourrais me voir te faire danser, valser, au beau milieu de la pièce. Et puis sûrement que je finirais par poser ma main sur ta joue délicate, me rapprocherais doucement, tout doucement, de toi. Je te sourirais, comme à mon habitude, caresserais ton doux visage du revers de ma main, avant de poser mon regard sur tes lèvres à nouveau. Nos souffles se feraient plus lourds, plus chauds, viendraient chatouiller nos émotions. Je m'approcherais encore un peu, et dans un dernier sourire adressé, je t'embrasserais.
 
Du moins, c'est ce que je préfère m'imaginer ; car en réalité, toi et moi savons très bien que tu ne me laisserais pas faire. Et puis, sûrement que ce ne serait pas si lent, sans contrôle, je ne pourrais pas tenir deux minutes sans l'impulsion qui me mènerait à venir mourir sur tes lèvres.
 

Hélyo James, 14 octobre 2021