LA ROSE

Comment est-ce arrivé ? Comment peut-elle passer d'invisible à trop visible ? Ces sensations que cette fleur aura fait naître, ces sensations que cette fleur continue de faire naître en moi... Je crois qu'encore jamais je n'avais fait face à telle situation. Ça me perturbe, je tente de l'ignorer, d'oublier que j'ai croisé son chemin, je n'y arrive pas. 
 
Un rosier, une rose, une seule. Je m'y suis approché, me suis fait piquer. Telle l'aiguille qui plongea Aurore dans un long sommeil, j'ai plongé dans un profond désir. Je complexe à présent. Ses courbes si pures, si belles, sa couleur enivrante, son odeur sauvage, sa symétrie parfaite, le danger qu'elle représente... la rose, si sauvage. Je ne suis rien de tout ça si ce n'est trop sauvage, le parfait contraire, parfaitement opposé, trop imparfait.
 
L'impossible me tue, je ne peux pas l'atteindre. Je pourrais plonger dans ce rosier, m'arracher un bras ou deux, m'ouvrir le corps, me faire transpercer le cœur, que je ne pourrais toujours pas l'atteindre. La rose, reine de son royaume épineux, a dressé des bois que je ne peux affronter. Alors je me rabats sur les coquelicots, fleurs des champs, qui abondent et que je peux cueillir aisément. Je les cueille, les trompe par la pensée. Lorsque je touche du doigt leur tige, c'est la rose que j'imagine cueillir.
 

Hélyo James, 7 décembre 2021