L'ÉPOPÉE

Elles fusent, les pensées, les émotions ; ils filent, les songes, le temps. Je ne pense pas, je pense sans cesse. Je ne bouge pas, je ne cesse de tournoyer. Insatiable, affamé, rassasié, dévoré. Tourne et tourne encore, dans une ivresse infinie. Tourne et tourne encore, tourbillon de folie. Sur son lit, la rivière, le sommier, au sommet. Démange, brûle, hors du temps, trop de temps, débordé, dépassé. La pluie qui coule sur ta peau exposée, ton cœur renfermé dans une eau saturée. Respire, ne respire pas. Elle coule, dégouline, jusqu'au sol, sous tes pieds. Glisse, saute, tourne encore. Sans jamais penser, sans jamais t'arrêter. Tourne et tourne encore. À trop penser, à trop rêver, ne pense plus, ne rêve plus. L'instabilité dessinée, désirée, méprisée, évitée.
 
Le jour, le seul qui compte, sans lendemain, sans veille non plus. Le jour, le seul, l'unique. Trop de pensées, plus de pensées. Débordé, libéré. File, cours, à toute allure, à l'aveuglette, sans horizon, sans allusions. Saturée, l'eau saturée. Elle coule, coule encore, ton corps nu exposé sous les cordes qui tombent du ciel grisé, t'es trempé, apaisé, sans pensées, et non navré. Tu rattrapes un temps insensé, un temps démembré qui ne peut exister. Elle est morte, la sensation. Il est mort, le désir. Tu es libre, assouvi de sentiments, débordé d'émotions. Tu vis, tu cours, sans jamais te retourner, pris dans ton élan, tu ne cesses de courir, pour ne plus jamais mourir. La pluie coule et coule encore, sur ton corps dénudé, rebondit sur le sol mouillé dans une explosion d'échos par milliers, elle recouvre les routes d'une fine étincelance. Sans peur, sans craintes apparentes, la frilosité envolée, jamais plus tu ne trembles. Tu danses, sous la pluie, les bras ouverts vers le ciel, vers la prochaine épopée.
 

Hélyo James, 10 février 2022