BALANCIER MIROIR

L'air se fend devant moi telle une lame aiguisée transperce la chair de celle qui aura trop parlé, de celle qui aura trop osé. Les jambes se balancent dans un mouvement interminable, sans fin. Je regarde le métronome éternel du temps qui passe et de la vie qui s'achève. Elles rebondissent sur le trottoir à la manière de ressorts dansants et se font tracter de cette force qui ne peut qu'aller en avant, ce même lorsqu'elles semblent être à reculons. Le métronome m'hypnotise, me voilà grimpant les marches de l'envers. À l'envers tout est plus fluide, tout est plus calme. Cet univers bidimensionnel ramène à l'essentiel, à ses ombres qui disparaissent à petit feu. Elles désertent la terre pour plonger dans la cascade du ciel. Là-bas le temps n'est plus et la vie non plus. Je ne suis qu'une forme divaguant sur la carte du monde. D'ici, la terre n'est pas ronde. Peut-être que ces âmes qui déchirent leur voile ne voient plus que ce monde, peut-être ne sont-elles pas complotistes, seulement perdues. Quoiqu'il en soit, le métronome que j'observe dans ces vitres en marchant va bientôt disparaître, je vais faire face à Laurent. Je vais prendre forme dans cet autre univers, tridimensionnel, et ne plus qu'imager ces ombres intérieures. Un pas sur le pont et... je ne vois plus le temps. Un dernier regard sur les chaussures de ma voisine et ses lacets sont libres ; seuls ses lacets sont libres.
 
Hélyo James, 12 septembre 2023